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Beau dimanche d’hiver. La brise perce le sac vide
de l’étendue d’eau. Frôle. Creuse. J’écris des phrases vents chauds,
vents glacés. Des phrases du passé sur des planches blanches de la neige. Restera ce qu’il restera. Quelques mots grisés.
J’aimerais qu’ils soutiennent le souvenir, les cristaux froids du passé. Je les aimerais pylônes de lave. Piliers de phonolites éternels. Empiler planches sur planches. Le feu brûle par-dessous. Des étincelles. Il ne restera que peu de mots. Peu, c’est ce qu’il reste lorsque le temps vole tout. 
Peu, mais cela témoigne. Peu, mais c’est éternel.
@Anne-Cécile Charenton, 22 septembre 2019.

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Extrait 5, Ma Royauté n’est qu’un fantôme

Nul ne savait vraiment qui avaient appelé Andrée et Diane, quel miracle les avaient conduites ici, comment elles avaient été choisies, par qui elles furent désignées, légendes et ragots les plus fantasques couraient au sujet du teint rougi par la marque de la violence (…)

Une médiocre eut lâché pied : Rolande, fût-ce au milieu des pires désordres et dérèglements de l’âme, jamais ne renonça à trouver son véritable personnage. Sa vengeance commença à atteindre sa maturité en 195*, date de la première mise en eau du barrage où s’épanouirait de tout son volume l’eau dans la retenue.
Écœurée par des tentatives et des expériences qui ne l’avaient menée à rien, Rolande s’était retrouvée telle qu’en elle-même dans son enfance dépeuplée qu’elle n’accepterait jamais. Jamais la balance vers l’acceptation ne s’était faite ; la rupture intervenue cinquante ans plus tôt, les souvenirs, les images, longtemps refoulées, affluent librement, conservées intactes par une mémoire qu’elle qualifie volontiers d’infernale, lorsqu’un mouvement intérieur amène à renouer les fils rompus et à chercher des sources d’apaisement dans le pays natal. Sa mémoire était un large puits profond, il n’était pas un seul de ces mille jours, de ces mille coups de canines qui déchiraient sa vie dont elle ne gardât une cicatrice béante. Nombre de ses jours et de ses nuits lui avaient été souffrances aiguës et deuils impossibles, mais le corps de Rolande jetait une clarté si vive, une nostalgie si forte sur le passé que tout le présent en était redimensionné. Loin même de lui faire oublier ceux qu’elle avait aimés autrefois, la présence d’Andrée l’ethnologue clarifiait leurs visages pour les fixer, non en portraits, mais en paysages illimités.
Nul ne savait vraiment qui avaient appelé Andrée et Diane, quel miracle les avaient conduites ici, comment elles avaient été choisies, par qui elles furent désignées, légendes et ragots les plus fantasques couraient au sujet du teint rougi par la marque de la violence, mais avec des cataplasmes d’argent de son index que l’ethnologue se mettrait maintenant à distribuer à la nourrice, elle-même les redistribuerait à tous ceux qu’elle toucherait de son ombre ronde qui habite en solitaire les chemins, de son accointance avec les oiseaux, de sa voix dont les sonorités appuyées différaient des rires tordus et patois de celui de la région, de son regard capable d’éteindre les horloges, de son ventre de femme perdrix rempli de ses chagrins, de sa mémoire plus mutilée qu’un village massacré par une armée de SS. Andrée aurait voulu l’écrire mais les mots n’exprimaient pas le tiers des crimes que la société commettait mystérieusement et impunément tous les jours, avec une répétition absolument charmante, inoffensive, et innocente.
Diverses circonstances de famille et de parenté l’ont mis à même de connaître mieux que personne une époque et une guerre presque oubliée de tout un village, qui continue de hanter quelques mémoires, car pour peu que le destin soit plus plus complet et plus grande la cruauté de la fortune, il est nécessaire parfois que la méchanceté et l’injustice aient le visage et les traits dont on a dit qu’il n’y a pas d’histoire.

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Extrait 4, Ma Royauté n’est qu’un fantôme

J’emportais chaque matinée l’histoire de Rolande sous mon cerveau, ou plutôt j’emportais ma rêverie, ensevelie sous l’histoire de Rolande,

J’emportais chaque matinée l’histoire de Rolande sous mon cerveau, ou plutôt j’emportais ma rêverie, ensevelie sous l’histoire de Rolande, comme le commandant Cousteau venu dans sa soucoupe SP350 ausculter le barrage – sans le vider – à travers son hublot pendant dix-heures . 
Revenue à l’hôtel en proie aux questionnements qu’elle m’avait causés, je faisais comme Giono écrivant Les Âmes fortes, après avoir écrit l’histoire de Thérèse et Firmin, je perdrais le récit dans ce qui restera perdu, et ce n’était pas le récit de Suzanne qui l’aurait remplacé.
C’est c’tte pauvre carte postale qui agit sur vous ainsi ? Qu’aurait donc fait de vous l’homme sur le portrait si vous l’aviez connu ?
– Il a donc existé ? Demandais-je, comme si accrocher un portrait d’homme chez soi était anodin.
– Certainement, fit-elle avec dédain. C’est toute une histoire que cette histoire. Même que l’histoire devient chaque jour un peu plus incompréhensible, ajouta-t-elle avec aplomb. 
Qu’avait-elle l’intention de me cacher ? Voulait-elle cingler ce qui lui paraissait sans aucun doute une curiosité mal placée ? Elle se taisait… pour prendre le plus grand air de dédain qu’une femme, assise dans un fauteuil, ait jamais adopté devant un autre fauteuil, empli d’une curieuse. »

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#Extrait 2, Ma Royauté n’est qu’un fantôme

Elle sortit pour se mettre à la recherche de cette âme dispersée….

Un destin d’homme, – rien de plus dérisoire, rien de plus fabuleux.
Sylvie Germain, Tobie des marais, 2000.

Elle s’occupait du mort comme d’un convalescent qu’il faut protéger de la chaleur. Le velours vert prairie du crapaud se teinta bientôt d’écarlate ; l’homme arbre poussait sur place et rejetait ses branchages solides, parsemant aussi sur le lino une fine pluie de petites feuilles vertes. Les gestes de Rolande étaient minutieux et affectueux, elle s’agitait autour du corps doublement céphalé à la façon d’une poupée décousue. Sa raison demeurait un patchwork de tissus mal assemblés. Pas une parole ne sortait de sa bouche. Un automatisme venait de se mettre en marche en elle : il est inutile de faire parler un mort, même si une autre tête semblait avoir poussé sur son corps, mais à une tête, surtout encore attachée à son corps, on pouvait discuter et poser des questions. C’est pourquoi, dès qu’elle eut installé confortablement le père dans le crapaud, elle sortit pour se mettre à la recherche de cette âme dispersée.

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#Extrait 1, Ma Royauté n’est qu’un fantôme

Ma soeur a foi dans un fantôme,
Et déjà rêve d’un royaume,
Qui ne sera jamais le sien,
On connaît l’amour sous le chaume ;
Dans un palais on n’en sait rien.
-Ici, que cherchez-vous ?

Shakespeare, Hamlet, 1603.

J’écoutais les voix dans des corps de fermes restaurés ou dans leur jus, dans des lotissements pavillonnaires aussi qu’ils avaient achetés après qu’on leur ait offert de louer de l’autre côté de la vallée au moment de la construction, quand ils se sont trouvés devant ce mur, défendant le destin en disant que les choses auraient pu être mille fois pires, que certains s’en étaient contentés au point d’en profiter, que cette construction les avait protégés pendant la guerre, alors au nom de quoi se plaindre et à qui faire la leçon sur ce qu’il aurait fallu faire, ce qu’on aurait dû faire, ce qu’il fallait faire ou ne pas faire ? Pouvait-on se plaindre d’un bout de vallée au nom du Progrès ? 
J’écoutais aussi des hommes tristes, usés de nostalgie qui à longueur de temps racontaient à Andrée des histoires d’hectares, de troupeaux, de vaches, d’eau, de vallée, de fermes, de grands-parents, d’héritages, de murs et de silence, et surtout d’injustice. Injustice, c’est ce mot qui remontait du fond des sèches trachées rocailleuses jusque sur les langues, c’est ce mot injustice qui revient sans arrêt à la surface du témoignage, ce mot injustice qui transperce l’inexorable processus du temps. Qu’on coupe en deux la tête de la France par la ligne de démarcation, que le gouvernement de Vichy siège au-dessus de leurs propres têtes, c’était presque plus dans l’ordre des choses que la vie humaine dans Vallée n’ait aucun prix. Une muraille de béton pour protéger la muraille naturelle et cruelle des hommes, pour se préserver du monde réel de la guerre. L’arrogance et la brutalité des experts quand de simples paysans se risquaient à leur demander des comptes, l’arrogance qu’ils avaient de leur impunité, voilà ce que ne souffraient ni les femmes, ni les enfants, ni les proches des victimes lésées, qui vivaient aux alentours, témoins de premier plan du théâtre des expropriations. 
Partout je me taisais, j’échangeais avec eux quelques signes de la tête, partout nos signes de tête s’accompagnaient d’une convenable affliction. Mon travail de photographe tel que je le concevais au fur et à mesure des visites, n’était pas d’enquêter sur le témoin principal, Rolande, plutôt de faire parler des gens qui l’avaient connue et l’avaient appréciée. 

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Le pays d’en haut, Marie-Hélène Lafon (Arthaud – Coll. Versant intime)

Jamais un tel effort pour expliciter la conscience des lieux ou tenter de circonscrire l’adéquation montagne-écriture, n’avait autant interpelé. Et pourtant, il pourrait bien s’agir de révéler l’identité littéraire fondatrice qui structure la pensée, les textes et leurs mises en mots par leurs auteur(e)s.

Ce pays de « taiseux » où il n’y a rien à raconter puisque l’on voit tout 

(Arthaud – Coll. Versant intime, 2019)

Je ne sais s’il y a parmi vous des lecteurs sensibles à la géographie, la géographie des montagnes.
La collection Versant intime chez Arthaud avait déjà permis d’écouter Michel Butor décrypter pour nous son lien à la montagne. L’an dernier, Philippe Claudel faisait lien entre son goût pour la randonnée et la montagne : « une adéquation entre ce que je suis, ce que je rêve, et ce que me propose la montagne » ? La montagne, cette donnée inconnue pareille à l’écriture, « c’est essayer d’y trouver une voie, écrire un roman c’est comme monter sur une prise ». Toutes deux se conquièrent.
La montagne est une image littéraire, l’écriture et la montagne s’appellent l’une l’autre.
Jamais un tel effort pour expliciter la conscience des lieux ou tenter de circonscrire l’adéquation montagne-écriture, n’avait autant interpelé. Et pourtant, il pourrait bien s’agir de révéler l’identité littéraire fondatrice qui structure la pensée, les textes et leurs mises en mots par leurs auteur(e)s.
A plus d’un titre, j’ai envie ce soir de vous parler de ce nouveau merveilleux petit livre couleur Terre qui restitue les entretiens de Marie-Hélène Lafon avec Fabrice Lardreau pour évoquer mon pays, mes racines, qu’on appelle entre Auvergnats, « Le pays d’en haut », l’antithèse du « Plat pays » de Jacques Brel. Le côté du Cantal le plus sauvage, entre Riom-es-Montagnes et Aurillac, celui où chaque carrefour en hiver est une limite. Et son Verrou, le tunnel du Lioran. On dit qu’il n’y a que deux saisons : celle qui commence au 15 août, et novembre qui marque l’entrée dans l’hiver. On dit « descendre à Aurillac » et « monter chez les Gabatchs », une verticalité ancrée dans le corps de Marie-Hélène Lafon, la vache dans le sang, le patois collé à la langue, une géographie tutélaire ancrée dans le corps de tous ceux partis, revenus ou qui n’ont jamais quitté « le pays d’en haut ». Depuis l’évocation de ses promenades en solitaire passées à « bader » et « sentir » la nature, au récit de l’époque du pensionnat à Saint-Flour, à ce que représente pour une jeune fille le fait de partir de là-bas pour « apprendre » et faire des études, ces entretiens avec Marie-Hélène Lafon racontent aussi la possibilité de réussite (« le transfuge de classe sociale ») : la possibilité de grandir et de s’élever à la seule force de la volonté, celle des besogneux qui ne lâchent « rien » ni à la terre ni au travail, la possibilité de concilier cet amour pour un endroit où il n’y a semble-t-il « rien », où tout reste à conquérir sans relâche, où tout est rude, et la nécessité pour une fille née de paysans de s’arracher au « pays d’en haut »… Ce pays de « taiseux » où il n’y a rien à raconter puisque l’on voit tout ; comme si ce pays réglait et dictait consciencieusement ses propres lois à l’intérieur des hommes et des femmes, comme si ces derniers se laissaient modeler le corps et la tête par l’espace. L’appropriation, l’imprégnation, le mariage du lieu et de l’auteur(e).
Ce pays-corps : quiconque y a passé un hiver est imprégné à jamais de cet endroit, de ce semblant de forteresse, que l’on veut fuir mais où l’on rêve de rentrer dès qu’on l’a quitté !

Anne-Cé.


https://www.arthaud.fr/Catalogue/versant-intime

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Grace, Paul Lynch (Albin Michel)

L’écriture de Paul Lynch ? Un puits de lumière… j’allais dire, un puits de Grace, où le lecteur vient puiser une énergie poétique, où les personnages se meuvent « dans la lumière de [leur ] propre rage», dans les rêves et les fantasmes de Grace.

Le lecteur vient puiser une énergie poétique, où les personnages se meuvent « dans la lumière de [leur ] propre rage», dans les rêves et les fantasmes de Grace.

Et si toucher la terreur et le Mal absolu, de « tout son vouloir se réduire (…) à une aspiration aux ténèbres des profondeurs, [s’y laisser] sombrer jusqu’aux tréfonds » par l’écriture était une manière de faire surgir la lumière ?

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’auteur Paul Lynch prénomme son personnage principal Grace. Pourquoi raconter le territoire de l’enfance, ce socle de graines d’émotions, en explorant le Mal (et le Mâle) ? Pourquoi prendre le parti de creuser au plus profond de la Grande famine qui ravage la terre d’Irlande ?

1845. La veille de Samhain, une des fêtes qui annonce novembre, rituel de passage entre le monde des humains et l’Autre monde, la résidence des Dieux. Comment une mère peut-elle demander à sa fille de partir pour trouver du travail et survivre dans une terre qui se meurt ? Grace qui a droit à un véritable festin pour prendre des forces, Grace qui se prépare à traverser le temps et l’espace. Car Grace, malgré (et peut-être grâce à) la volonté maternelle, s’engage dans une  « odyssée vers la lumière».

Du feu, des miroirs, un travestissement, une fuite organisée par la Mère nourricière en personne, il n’en faut pas davantage pour que le lecteur comprenne que rester pour Grace signifierait vivre l’Enfer, que partir le sera tout autant. 

Oui, mais alors, pour aller où et à quoi bon ? 

L’écriture de Paul Lynch ? Un puits de lumière… j’allais dire, un puits de Grace, où le lecteur vient puiser une énergie poétique, où les personnages se meuvent « dans la lumière de [leur ] propre rage», dans les rêves et les fantasmes de Grace. L’espoir croupi dans l’ombre du récit saturé de menaces et de violence, une violence qui rôde et accomplit son travail comme « la roue d’un moulin tournant à toute vitesse. » Mais là où il y a encore possibilité de rêver autant que de fantasmer le morbide, quand surgit en plein cauchemar un monstre du nom de Boggs, il y a encore une place pour la Vie. Aller de l’avant grâce à nos fantômes et à nos morts. L’Espoir donc qui accompagne la traversée de l’adolescente. 

Grace qui ne sait pas lire mais Grace qui apprend à lire la Vie.  

Traduit par Marina Boraso.

Anne-Cé

Girl de Edna O’Brien (Sabine Wespieser Editeur)

Girl est l’histoire des lycéennes enlevées en 2014 par Boko Haram, à Chibok, dans le nord-est du pays. Le roman s’ouvre par la nuit du 14 au 15 avril 2014 : 276 lycéennes âgées de 12 à 16 ans sont enlevées par le groupe terroriste. La voix de l’une d’elles, Myriam, telle « la mère de Jésus, une Madone noire » et élue romanesque sortie de l’imagination de l’autrice irlandaise Edna O’Brian, raconte. 
Avec Girl, si justement traduit par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat, l’autrice rend un poignant hommage aux femmes meurtries qui paient un prix bien trop lourd pour vivre. Comme Maryam, femme-enfant au corps et au cœur de lambeaux qui se dresse en guerrière pour sauver son enfant né dans les ténèbres : elle veut de toutes ses forces le porter à la lumière. Maryam, la girl,incarne toutes les jeunesses soumises à l’extrême violence morale, psychique et sexuelle. Maryam a quelque chose de Grace de Paul Lynch et de Rose dans Né d’aucune femme de Franck Bouysse, Prix des lectrices Elle 2019.

#Extrait 3, Ma Royauté n’est qu’un fantôme

Vincent Van Gogh, Portrait de Joseph Roulin, Avril 1889.

Il ne maudissait pas le froid. Il semblait même y trouver un certain apaisement : la vision du désordre, la pensée un peu honteuse du bordel chaque fois qu’il traversait la cour, l’abandonnaient. Il refoulait les images désossées des cadavres de voitures, des amas d’objets qui ne fonctionneraient jamais plus, des bâches volant à ras de terre les jours d’orage ou que la lourdeur de la neige plaquait au sol. Même geste, même manière brutale que le policier immobilisant à terre son fuyard pour le menotter. C’était sa façon bien à lui de s’apaiser de ce paysage quotidien, des squelettes de tracteurs rouillés éparpillés aux quatre coins de la cour, des plaques gravées qui faisaient référence à des marques de matériel agricole qu’on ne fabriquait plus, et dont la présence commémorait la survivance du travail des anciens. Oui, cela le rassurait quand la neige tombait : cela ne lui réclamait aucun effort, aucun travail, aucune prise d’élan. Elle engloutissait sous son drapé blanc tout le désordre extérieur. Un immense linceul, des tissus étalés sur les meubles à l’intérieur du château, dans les pièces où l’on ne met pas les pieds ou si peu, au moment de tout refermer quand arrive la saison silencieuse. La fonte des neiges inaugurait l’approche d’une autre période, redonnait un léger souffle à l’enchaînement des jours. Un certain ronronnement. Une horloge naturelle en somme qui le resituait pour tout dire approximativement après ses longues errances hivernales. Mais il s’en contentait, il lui suffisait de lever le nez pour reprendre ancrage au milieu de l’espace infini. Il avançait la semelle traînante plombée de boue, il pensait qu’il ferait mieux de lever la tête plutôt que de balayer le sol : il s’insultait d’idiot, il se parlait à lui-même, il se laissait trop aller, parce qu’il s’en voulait de se laisser dépasser par des manières instinctives plus hautes que sa volonté. Parce qu’il était seul, juste par besoin d’entendre de temps en temps une voix humaine. Pour se rappeler le son de sa propre voix. Il colérait alors contre lui que c’était pas possible que ces seuls instincts dictent leur loi. Il observait la neige qui se coloriait de vin au fur et à mesure de sa chute. Le ciel charriait des litres de larmes. Les flocons devant lui se gonflaient de sang, roulaient sur la pierre et aller s’exploser au hasard contre les murs. Il replia chemin sans toute autre forme d’interrogation que celle que l’angoisse cherchait à étendre dans ses entrailles, qu’il s’efforçait à sortir de son cerveau. Dans ces moments, comme ces animaux qui pesaient davantage une fois que la mort les avait saisis, une lourdeur inconnue ralentissait sa marche. Il devenait plus lourd que les lendemains de fête patronale après avoir avalé plusieurs assiettes de truffade. Il traina sa carcasse, confiant dans l’aide exclusive du ciel pour le tirer jusque chez lui. Du pied, il claqua la porte, souffla comme un boeuf, se redressa, le dos calé contre le bois, tremblant encore. Un lapin venant d’échapper à un piège. Le froid de la ferraille qui donnait sa solidité à la porte traversa violemment sa peau. Ce fut comme une décharge.
Il était mort.

Je suis ravie de vous annoncer que la sélection d’Octobre est la suivante :

ROMAN :

–              Eden de Monica Sabolo aux éditions Gallimard

–              Le bal des folles de Victoria Mas aux éditions Albin Michel

–              Le ghetto intérieur de Santiago Amigorena aux éditions P.O.L

DOCUMENT :

–              19 femmes, les femmes syriennes racontent de Samar Yazbek aux éditions Stock

–              J’ai oublié de Bulle Ogier aux éditions Le Seuil

POLICIER : 

–              Mon Territoire de Tess Sharpe aux éditions Sonatine.

–              La Neuvième porte de Stefan Ahnhem aux éditions Albin Michel.

Nous souhaitons de bonnes lectures au jurées d’octobre ! 😊

Grand Prix des lectrices ELLE 2020 : je suis jurée !

C’était la super nouvelle de la fin mai dernier : je fais partie des 120 jurées du Grand Prix des lectrices ELLE 2020 !

Etre jurée, c’est quoi ? C’est la possibilité d’intégrer un groupe de lecture restreint et de découvrir des titres devant lesquels on n’aurait peut-être pas eu idée de s’arrêter, de les noter, et de tenter de découvrir lesquels seront les lauréats du Grand Prix à remettre au printemps 2020 ! Une expérience de groupe, car nous pouvons communiquer avec les autres jurées sur les réseaux sociaux, en attendant de participer à des rencontres avec des auteurs.

Jurée de janvier 2020 !

L’expérience débute doucement en ce qui me concerne, car je fais partie du jury de lecture du mois de janvier , avec pour mission de lire sept titres choisis par les journalistes de ELLE, répartis dans trois catégories : romans, policiers et documents.
J’attends ma « booklist »… mais le jury de septembre a déjà reçu la sienne !

Romans :
Mon année de repos et de détente de Otessa Moshfegh aux Éditions Fayard
Un mariage américain de Tayari Jones aux Éditions Plon
Les Altruistes de Andrew Ridker aux Éditions Rivages

Documents :
Des hommes justes de Ivan Jablonka aux Éditions Seuil
Soir de fête, de Zineb Dyief et Mathieu Deslandes aux Éditions Grasset

Policiers :
Le Couteau de Jo Nesbo aux Éditions Gallimard
À sang perdu, de Rae Delbianco aux Éditions Seuil

Pour chacune de ces lectures, je vais devoir attribuer une note et un avis, ce qui permettra de sélectionner le lauréat de chacune des catégories. Pour les mois suivants, je lirai les titres sélectionnés par les autres jurées, pour également les noter.

Une expérience excitante et que j’ai hâte de partager avec vous sur cette page. Les avis de lecture arriveront courant août et septembre, pour suivre les dates de sortie des livres. Pas d’intérêt de vous parler d’ores et déjà de titres qui ne paraîtront que d’ici un mois.

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